Depuis quelques années maintenant l’utilisation du capteur de puissance se généralise dans le milieu du cyclisme (Route-VTT-Triathlon). Le marché du capteur prend de plus en plus d’ampleur ces dernières années et attire de plus en plus de cyclistes de tous les niveaux désireux de progresser avec des outils à la pointe de la technologie. L’utilisation de ce paramètre « puissance » à l’entrainement comme en compétition est très utile et permet d’analyser et de décortiquer une série données liées à la performance : évaluation du potentiel physique, suivi de la progression, gestion de course, stratégie d’effort … Les applications sont nombreuses. Ces outils de mesure sont de plus en plus accessibles et pas seulement réservé à l’élite comme cela a été longtemps le cas.
Nous allons ici essayer de passer en revue les avantages de cet outil, définir ses caractéristiques et les différences par rapport à l’utilisation de la fréquence cardiaque.
Petit historique du capteur de puissance.
Depuis les années 1980, les variables physiologiques de référence pour l’évaluation de l’effort physique sont la consommation d’oxygène (VO2) et la fréquence cardiaque (FC). La première est une donnée de référence pour évaluer la capacité du « moteur » du sportif mais ne peut se réaliser qu’en laboratoire. La seconde à l’avantage d’être utilisée en routine avec un coût assez faible mais manque de précision (nous en reparlerons plus loin). En 1986 un ingénieur Allemand, Ulrich Schoberer, développe le premier système de mesure de la puissance mécanique adaptable sur un vélo : le pédalier « SRM ». Il devient alors possible de mesurer en condition réelle de locomotion la Puissance d’un cycliste avec un outil de mesure simple d’utilisation. Le SRM devient alors l’outil scientifique de référence de la mesure de la Puissance mécanique en cyclisme. Depuis les années 1995-2000, les laboratoires, coureurs amateurs et professionnels ont adopté le capteur de puissance (SRM et autre) et l’ont progressivement démocratisé (encore plus ces 5 dernières années). Les recherches menées sur la performance en cyclisme considèrent de plus en plus la puissance comme la variable de référence en ce qui concerne la mesure de l’intensité de l’effort et la charge d’entraînement.
Mais finalement qu’est-ce que la puissance ??
La production de la puissance mécanique est un modèle assez complexe qui prend en compte de multiples paramètres tant liés au cycliste qu’à l’influence de son environnement. Pour « simplifier » les choses, partons sur le principe que pour se déplacer, le cycliste doit fournir de l’énergie nécessaire à sa progression dans l’espace et donc générer un certain niveau de puissance mécanique. De manière très schématique et simplifiée nous pouvons dire que la puissance exprimée en Watts, est le produit du couple de force développé sur les pédales et de la cadence de pédalage (vitesse angulaire).
Le cycliste lors de la phase de poussée sur les pédale doit donc créer au niveau du pédalier un couple de force optimal (voir schéma ci-dessous). Ce couple est le produit de la force efficace appliquée sur la pédale et de la longueur de la manivelle. L’intensité de ce couple de force va donc dépendre de l’intensité de la force efficace (FE), c’est à dire de la composante de la force totale (F) appliquée perpendiculairement à la manivelle. La force inutile (FI) correspond à la composante de F appliquée parallèlement à la manivelle.
Tout le travail de technique de pédalage permet d’améliorer sensiblement le niveau de force efficace, surtout aux phases de transition basse et haute et donc de diminuer le plus possible la force inutile.
Ce petit rappel de mécanique est intéressant pour bien comprendre que la puissance est le produit d’une force et d’une quantité de mouvement (la cadence de pédalage).
Pour résumé on pourrait dire que la puissance motrice à vélo ne dépend que de deux paramètres : la force et la cadence de pédalage, 2 éléments clés donc que l’on peut, et que l’on doit, travailler à l’entraînement le plus régulièrement possible.
Quelles sont les avantages de travailler avec un capteur de puissance ?
- Le premier élément important à prendre en compte est l’invariabilité de la puissance contrairement à la fréquence cardiaque qui est une donnée facile d’utilisation mais moins précise. En effet, de nombreuses études ont montré que la FC ne reflète qu’en partie l’effort réellement réalisé par le sportif. La FC est soumise à de nombreuses influences : climat, température, stress, fatigue, position du corps, nature du terrain, etc…. La puissance est une mesure directe de l’énergie mécanique qui ressort du sportif, ce qui n’est pas le cas de la FC qui est un témoin biologique interne de l’organisme. En d’autres termes la Puissance mécanique représente un stimulus d’entraînements alors que la FC n’est qu’une relative réponse à ce stimulus.
- Ensuite, la mesure de la puissance fournie à l’effort n'a aucune inertie contrairement à la FC qui a tendance à dériver ou mettre un certain laps de temps pour se stabiliser. Certains athlètes ont une telle dérive cardiaque à l’effort que la mesure de la fréquence cardiaque est beaucoup moins précise et efficace. On peut observer par exemple une dérive sur des efforts longs et soutenus (proche du seuil anaérobie ou juste en dessous). Celle-ci correspond alors à l’élévation progressive de la FC dans le temps pour une même puissance fournie. Sur l’exemple ci-dessous, il s’agit d’un interval au seuil à 300 watts sur une durée de 8’. La puissance est constante sur l’ensemble du bloc tandis que la FC monte progressivement au cours de l’interval. L’athlète démarre à 135 pulsations pour un travail de 300 Watts, lors de la première minute la Fc monte à 160 pulsations (il faut un certain délai pour qu’elle monte). Ensuite elle monte encore légèrement pour finir le bloc à 170p à la fin des 8’. Les pulsations varient donc assez fortement pour une même puissance stable à 300 Watts.
Cette dérive vers le haut s'explique par deux paramètres :
Les conditions climatiques :
Si l'exercice est effectué dans des conditions chaudes (ou sur rouleau par exemple donc sans effet de refroidissement) l’organisme va orienter le débit sanguin vers les zones cutanées afin de diminuer la température centrale. Cette dérivation aura pour conséquence une diminution du volume sanguin au niveau des groupes musculaires impliqués dans le mouvement. Pour compenser et maintenir le débit sanguin musculaire et donc maintien de l'oxygénation nécessaire la FC va donc naturellement s’élever
La déshydratation :
La déshydratation va entraîner une diminution du volume d’éjection par le cœur (éjection systolique). Elle est principalement due à la diminution du volume sanguin qui résulte du phénomène de transpiration (qui est également un phénomène de refroidissement du corps cité ci-dessus). On aboutira à la même conséquence au niveau musculaire avec une élévation de la FC pour maintenir une oxygénation constante.
Sur un fractionné court, par exemple une séance de PMA ou d’intrevals courts, on retrouve également une dérive de la FC qui va ici s'expliquer par le temps de réaction que va mettre le système cardiovasculaire pour réagir à la commande nerveuse (ce qu’on observe également sur la première minute de l’exemple précédent).
L’exemple ci-dessus permet de bien visualiser ce délai. Il s’agit ici d’une séance de type PMA avec 10*(1’ à PMA – 4’ à 55%). Un effort, même très intense, de 1’ est trop court pour avoir une réponse cardiaque représentative de l’effort fournis. Pour rappel la PMA est la puissance maximale aérobie, la plus petite puissance pour laquelle la consommation d’oxygène est maximale. Il s’agit de la puissance atteinte à la fin du test à l’effort. On voit clairement ici que sur chaque bloc la FC monte de plus en plus haut (pour une même puissance développée) et la récupération est de plus en plus incomplète. Ce type de séance est impossible à réaliser correctement sans capteur de puissance.
Cet exemple montre ici tout l’intérêt du capteur de puissance pour le travail à très haut intensité (au-dessus du seuil anaérobie) sur des efforts courts. Dans des zones de résistances ou de tolérance lactique, on peut alors travailler des zones d’intensités de manière plus précise et instantanées sans tenir compte de la cinétique de la FC
- Enfin le capteur de puissance, de par la précision qu’il offre, permet à un coach de suivre et d'évaluer avec précision la progression et l’évolution des entraînements de son athlète. A l’heure actuelle il existe toute une série d’outils et de plateformes de suivi de l’entraînement qui permettent d’analyser et de décortiquer les séances, mais également le volume d’entraînements, la charge de travail accumulée (à court ou long terme), les intensités d’effort fournis, le temps passé dans chaque zone d’entraînements, les périodes de forme optimale et encore bien d’autres paramètres…. Ceci pourrait faire l’objet d’un article à lui seul tellement il y a de paramètres intéressant à analyser. Il y a cependant 1 donnée qui mérite que l’on s’y attarde un peu car elle est simple à utiliser : Le profil de puissance.
Le profil de puissance reprend l’ensemble des records de puissance sur des laps de temps assez large, de 5h à 2 secondes d’effort et permet de voir comment l’athlète évolue. Chaque record correspondant à une qualité bien précise comme reprise sur le graphique ci-dessus. Les intensité de type seuil correspondent aux records sur des laps de temps de 20’ à 60’ (pour simplifier nous dirons seuil longs et seuil court), les intensité de type PMA correspondent à un laps de temps de 5’, les qualités de résistances sur des intensités courtes < 1 minute. Cela permet de visualiser comment le coureur évolue sur du long terme et surtout sur quelle(s) type(s) de qualité(s). Des tests de terrain réguliers dans des conditions identiques (une même côte par exemple) permettent de suivre la progression du coureur sur le long terme. Enfin ces courbes de puissance permettent aussi de définir le profil type (déterminé génétiquement) du coureur, plutôt sprinteur, plutôt puncheur, plutôt grimpeur, etc… et de voir comment il évolue. Ce profil est proposé par l’ensemble des plateformes de suivi.
Le capteur de puissance permet également d’analyser la gestion d’un effort en course, que ce soit en VTT, route ou triathlon, là où la fréquence cardiaque à ses limites pour toutes les raisons que nous avons évoquées précédemment. Les exemples sont nombreux : gestion d’un contre la montre, gestion d’une ascension de col, etc…
Quelques dérives du capteur de puissance :
Attention cependant à ne pas devenir un robot complètement « accro » aux chiffres les yeux rivés sur « ses watts » en permanence. Le but du capteur de puissance sur du long terme est d’apprendre au coureur à se connaître et de pouvoir faire le lien entre les données emmenant du capteur de puissance et ses propres sensations. Bien entraîné le coureur doit être capable de presque « ressentir » au travers ses sensations les intensités d’effort qu’il fournit. Bien utilisée donc, ces valeurs de puissance objectives doivent être corrélées aux données subjectives, c'est à dire aux sensations du sujet par l’entraînement.
A l’heure actuel, la facilité de partage des informations prête à la comparaison des données entre les coureurs et à a visibilité des données par le monde entier… mais le capteur de puissance, tout comme la fréquence cardiaque, n’est pas un outil de comparaison entre individu. Hormis dans des conditions de mesures reproductibles (le plus souvent en laboratoire avec des capteurs validés scientifiquement), il n’est pas pertinent de vouloir comparer ses valeurs de puissance avec celles d’un ami. Il peut être intéressant de vérifier l’ordre de grandeur de ses mesures, notamment en les rapportant au poids du coureur, mais il est prudent de ne pas en tirer des conclusions hâtives…
Faut il oublier la FC ??
La fréquence cardiaque n’en est pas pour autant à oublier. En effet. Il s’agit d’un outil très simple d’utilisation donnant des repères intéressants :
- La diminution de la FC au repos et à l’effort sous maximal est un signe d’adaptation à l’endurance. Il est alors intéressant de corréler puissance et fréquence cardiaque. Le travail de fond va permettre une diminution de la FC pour une même puissance développée. L’adaptation cardiaque évolue donc en fonction du niveau d’entraînement (Ci-dessous un exemple de 2 tests réalisés par la même personne avec 2 niveaux d’entraînement différent).
- La FC permet de juger la qualité de récupération après un effort par un retour plus ou moins rapide à des valeurs basses.
- La Fc permet de juger de l’état de forme du moment et du niveau de fatigue. Une fréquence cardiaque qui ne monte plus en fin d’effort par exemple est synonyme de fatigue importante.
- La FC de repos prise régulièrement est assez révélatrice du niveau de forme d’un sujet ou de apparition d’une surcharge de travail ou encore d’une maladie
Quel CAPTEUR Choisir ??
Le nombre de capteur sur le marché est en pleine expansions (Pédales - Pédaliers - Moyeux) et il y en a pour toutes les bourses. Les mesures peuvent être très changeantes et les technologies employées sont parfois très différentes pour mesurer le même paramètre, mais le principe est le même. A partir de la mesure des contraintes mécaniques sur la pédale, le pédalier ou encore le moyeu, il est possible de calculer la puissance développée. Les différences entre les solutions proposées résident :
◾Sur la technologie des jauges de contrainte, leur sensibilité, leur nombre et leur positionnement. La fiabilité de la mesure dépend en grande partie de la technologie des jauges de contrainte utilisées. Sur ce point, il est difficile de ce faire une idée. Intégrées par les constructeurs, l’utilisateur n’a pas beaucoup de visibilité sur leur sensibilité et leur fiabilité. Le nombre des jauges varie aussi en fonction des modèles. Par exemple, le nombre de jauges de contrainte est doublé chez SRM dans sa version scientifique.
◾Sur le positionnement des capteurs. SRM et Rotor positionnent les jauges de contrainte au niveau du pédalier ; Power Tap au niveau du moyeu de la roue arrière ou des pédales ; Look Keo Power et Garmin Vector ou Assomia au niveau des pédales.
◾Sur le traitement des informations. L’échantillonnage, la quantification des valeurs mesurées et les calculs sont bien sûr différents. Il en est de même pour le calibrage de la chaîne de mesure et pour la prise en compte de données extérieures (comme les conditions de température). Les nouvelles technologies renferment et cachent la partie intelligente de leur système.
◾Sur la possibilité de différencier les jambes. Certains systèmes offrent la possibilité de distinguer le travail fournit par chaque jambe afin de rechercher un meilleur équilibrage
En conclusion, les différents capteurs mesurent des valeurs différentes, de manière différente, avec des précisions différentes pour calculer la même chose avec des équations différentes. Même si pour les besoins du marché, les études de comparaison essaient de faire un peu de lumière, il n’est donc pas étonnant qu’on peut avoir du mal à s’y retrouver. Tous ces capteurs ont des avantages et des inconvénients. Les capteurs de puissance à vocation scientifiques restent le powertap et le SRM. Ils restent des références sur le marché et sont très précis, mais ils sont plus chers quoi que la tendance est la démocratisation de ces systèmes...
Conclusion
L’investissement dans un capteur de puissance peut être un réel plus à l’entraînement. Prenez le temps de vous l’approprier, de maîtriser les différents paramètres de mesure et il vous le rendra ! Et si vous avez du mal à mettre en pratique l’utilisation de la puissance, comme pour l’entrainement, prenez contact avec un entraîneur qui pourra facilement vous aider à en tirer tous les bénéfices qu’il procure. Il ne faut cependant pas devenir accro aux chiffres, le capteur doit vous faire évoluer mais une meilleure écoute et compréhension de vos sensations. Enfin, il ne s’agit pas d’utiliser le capteur de puissance pour se débarrasser du cardio fréquence mètre. Ces deux capteurs sont avant tout complémentaires.
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